C’est tellement rare qu’il faut le souligner: GLB a tweeté quelque chose qui n’était pas entièrement con
Il est clair que les actions à l’échelle individuelle ne seront pas suffisantes (et peuvent même être contre-productives) pour espérer limiter l’impact de la crise climatique. Mais évidemment, c’est surtout dans ce que ce message ne précise pas ou ignore qu’il est vicieux. Alors, reprenons…
La réalité, c’est que nous, les riches, seront les plus épargnés des conséquences de la crise climatique. Les pauvres sont ceux qui vont mourir, perdre leur travail et leurs moyens de subsistance, devoir immigrer/être déplacés. La question des centrales au gaz, des voitures électriques, de l’arrosage des pelouses, du fast fashion, des vacances en avion sont toutes anecdotiques pour 50% de l’humanité. Pour les pauvres, qui n’ont aucune responsabilité dans la crise, ce qui compte, c’est ce qu’il vont pouvoir faire quand l’agriculture qui leur permet de survivre deviendra impossible dans leur région parce qu’il n’y aura plus d’eau ou quand un pays riche décidera de s’approprier par la force les ressources naturelles dont il a besoin pour tenter de maintenir le niveau de confort de sa population.
Car c’est cela que cache les hashtags « libertés fondamentales » et « équilibre social » du président qui veut faire de son parti un parti populiste d’extrême-droite. Se déplacer en voiture individuelle, faire un city-trip à New-York ou passer 10 jours à Bali, jouer au golf, acheter une villa 4 façades et y construire une piscine, manger du boeuf, aller voir Coldplay au stade Roi Baudouin, organiser des compétitions sportives avec des athlètes du monde entier, avoir des vêtements à la mode; tout ceci pourrait faire partie des libertés fondamentales et contribuer à l’équilibre social (et c’est sans doute ce qui est sous-entendu par GLB). Et c’est vrai, d’une certaine manière, parce que tout ceci peut faire partie de nos identités. Je suis fan de musique, cela fait partie de qui je suis d’aller dans des festivals et voir des artistes qui font le tour du monde avec des tonnes de matériel. Je suis un foodie, cela fait partie de qui je suis de manger une pièce de boeuf maturée accompagnée d’un verre de vin de qualité qui nécessite des ressources permettant de nourrir des dizaines de personnes. Je suis une fashionista, cela fait partie de qui je suis de me tenir au courant des couleurs et modèles à la mode, de les acheter sur Shein à bon prix en ayant la possibilité de renvoyer la moitié qui ne me va pas.
La crise climatique va venir balayer tout cela. Tout ceci va devenir impossible. Elle va remettre en cause des parties importantes de ce qui nous définit comme individu. Pour tout le monde? C’est l’enjeu. Et c’est la grande manipulation que les partis dits libéraux sont en train de mettre en place. En prétendant qu’il n’y a pas de question de classe sociale, que le capitalisme et le marché peuvent réguler la question climatique, ils essayent de recruter les classes moyennes inférieures et supérieures pour défendre ces activités comme des libertés fondamentales, tout en sachant pertinament qu’elles deviendront accessibles uniquement à une minuscule élite qui aura réussi à encore concentrer (confisquer?) davantage les ressources de notre monde pourtant sous pression, au prétexte que seule cette confisquation peut nous permettre de « déployer les moyens économiques pour effectuer cette transition ».
La vérité, c’est que si nos sociétés s’organisent pour que la crise climatique soit « une transition » pour les quelques pourcents les plus privilégiés qui la composent, cela sera payés encore plus chèrement par tous les autres. La crise climatique ne peut pas être une transition, la crise climatique doit être un changement fondamental et profond de nos sociétés, pour plusieurs dizaines voire centaines d’années. Je vois ce changement sous 2 angles
- Réévaluer ce qu’on considère aujourd’hui comme des droits et qui sont des luxes sur lequel nous bâtissons notre bonheur individuel. Nous avons l’opportunité de réfléchir à ce qui nous rend heureux et d’essayer de sauvegarder cela, plutôt que de continuer dans notre fuite en avant consumériste dont, je pense, on se rend tous bien compte qu’elle ne répond pas à nos besoins fondamentaux, en plus de nourrir une hiérarchisation sociale malsaine en fonction de la quantité de nos possessions, souvent sans aucun rapport avec ce que nous apportons à ceux qui nous entourent et au progrès de l’humanité.
- Revoir la façon dont nous répartissons les ressources dont nous disposons, à la fois dans leur concentration que dans leur mode de répartition. Il n’est pas nécessaire de refuser toute forme de concentration de ressource et d’être anticapitaliste pour se rendre compte que les niveaux de concentration actuelles sont absurdes et effroyablement inefficaces pour permettre à chacun de voir ses besoins vitaux et fondamentaux respectés. Il semble aussi de plus en plus clair que les mécanismes en place pour répartir les ressources, le travail salarié et la sécurité sociale financée au travers de celui-ci, est de plus en plus inadapté, surtout dans le cadre où toute une partie du travail salarié repose sur le consumérisme.
Les deux vont de paire: installer le consumérisme comme repère cardinal de notre valeur individuelle et un système de répartition des ressources qui serait le seul à permettre de suffisamment consommer pour exister même s’il est extrêmement inefficace et inégalitaire. Tant que nous aurons besoin de consommer pour exister, nous devrons entretenir un système productiviste au bénéfice de quelques privilégiés. Plus ce système sera sous tension, plus il sera nécessaire que nous croyions à ce besoin de consommer comme fondamental pour continuer à le maintenir alors même qu’il nous est de moins en moins profitable.
Donc, soyons clair: nos vies vont être bouleversées. Des choses que nous considérons essentielles comme manger de la viande, boire du café, acheter des nouveaux vêtements tous les 3 mois ou nous laver à l’eau potable quand nous le souhaitons ne seront plus possibles. Mais est-ce que nous nous en priverons pour l’illusion de pouvoir nous-aussi accumuler suffisamment de ressource pour pouvoir un jour se « le permettre » ou parce que nous aurons mis d’autres priorités à nos vies et réorganisés nos sociétés autour de celles-ci? Voulons-nous du status-quo proposé par Georges-Louis parce que nous pensons pouvoir faire partie de la minorité qui en sortira gagnante ou rêvons-nous qu’il soit possible de transformer qui nous sommes pour le progrès de l’humanité?